« ...amie, je dois m'en aller,
jamais je n'oublierai, ces moments partagés »
J'ai rencontré Eve dans la Tempête
fin 2009. Elle m'a présenté l'état de son travail qu'elle
tenait à bout de bras, auto-produit, dans son local et son
appartement, avec les moyens du bord. Épuisée de ses combats
personnels et professionnels; financement refusé, multiples
déménagements et autres contre-coups chiens de la vie, elle avait
besoin de renfort pour accoucher de sa Tempête, qui allait paraître
5 ans après « l'Écho » (2005). Je lui ai tendu la main
sans hésiter, ressentant une force particulière dans son travail
qu'on devait faire entendre haut et fort.
Au début, sa confiance fut difficile à
gagner, la dame s'était taillée une solide armure, essentielle à
sa survie je présume. Méfiante et secrète, elle m'a rapidement
fait comprendre que l'industrie musicale l'avait laissée amère en
plusieurs points. Elle observait un certain dédain pour les petits
arrivistes qu'elle avait croisés sur son parcours dans le passé.
Eve était une femme de clan, et quand elle vous laisse adhérer au
sien et qu'elle s'ouvre à vous, alors là vous pouviez découvrir
une femme fragile, sensible, honnête, généreuse, aimante,
reconnaissante. Eve, sans l'armure.
La production de l'album « Tempête »
s'est terminée dans le bonheur et son lancement fut une grosse fête
de clan. Le public a pu apprécier quelques-unes de ses plus grandes
chansons en carrière; « Pour survivre », « Sept-Iles »,
« En avant », pour ne nommer que celles-là.
Début 2012, ma nouvelle amie me
présente son plan d'attaque et son nouveau groupe qui donneront
suite à « Tempête ». Un album qui sera enregistré
rapidement en studio dans le but, me disait-elle, « d'en faire
plein d'même ». Je pouvais percevoir une fougue, une urgence
qui la poussait à s'engager entièrement pour aller au bout de son
art. On s'est embarqués dans « Le labeur de la fleur ».
Premier titre pour ouvrir l'album, « La joie est à nous ».
Durant nos nombreuses sessions de mixage, j'ai fait face à deux Eve
qui s'alternaient, qui combattaient, le soleil et l'obscurité se
tiraillaient en elle. Par empathie, j'ai pu ressentir brièvement
tout le poids qu'elle pouvait porter en elle, c'était lourd. Mon
amie était une combattante, une résistante, une militante, un femme
de tête, de cœur et d'honneur. Elle est tristement disparue dans
une forme d'accident, avalée par ses conflits intérieurs, ses plus
grands ennemis.
Eve Cournoyer est maintenant partie
rejoindre le silence, mais elle nous a laissé un magnifique héritage
empli d'amour, qui continuera d'exister encore longtemps.
« En avant pour une vie
meilleure
Je sors des vaps, je trace vers
ailleurs
En avant m'attend qui je suis
Je laisse le chaos et sa folie
Au pied de la chute m'y attarder
À genoux dans ses vapeurs respirer
Oh! Cascade mortelle vient liquider
Mes mauvaises idées et ses dangers
En avant je prends le pont de
lumière
Sur ses eaux j'enligne la frontière
En avant y'a lucidité
Y'a des lunes que je rêve de la
visiter
Dans le marais, une nuit, m'y
attarder
Intrus dans cette nature préservée
Concertos d'oiseaux, beaux à
pleurer
Reconnectée à comment écouter
En avant je perdrai plus une heure
À me morfondre, gelée dans la peur
En avant objectif bonheur
Embrasser la terre avec honneur
Ha! Au petit matin à la tête
claire
Ha! Au repos de la sage guerrière
Ha! Aux être vivants, sains, qui
m'entourent
Ha! Aux idées naissant dans l'amour
Ha! Au temps fixe, plate ou excitant
Ha! Au face à face avec le tourment
Ha! Oh! Y était temps! Oh! Y était
temps!
Ha! Enfin! En avant! En avant!
En avant vers le cœur du feu
Des éclairs de chaleur dans les
yeux
En avant je sais ce que je veux
Me réaliser pour le mieux »
- En avant, Eve Cournoyer, 2010
2 commentaires:
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Belle grande éphémère passant dans l'azur
Puisse-tu avoir fait de ta furtive course
Une vague immense dans les ondes pures
De la grande mer noire ou hiberne la grande ourse
Puisse-tu par ma plume continuer de vivre
Car ma main s'offre à toi poétesse disparue
Que j'écrive ma vie jusqu'à en devenir ivre
Que mes pensées s'envolent comme pétales dans la rue.
Tant de mots dans ma tête sont comme des poissons
Qui tournent sans savoir combien le monde est grand
Enfermés dans une urne sans image ni son
Il rêvent d'une rivière, d'un lac, de l'océan...
Ces mots pour enfin voir plus loin que leur nez
Doivent enfin pour s'enfuir prendre le temps d'êtres écrits
Pour aller au bout des rêves et de bien des idées
Ils doivent noircir les pages et transmettre l'esprit.
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Jean-François Lapierre, le 14 août 2012, en réaction au "départ" de Ève...
"Elle est tristement disparue dans une forme d'accident, avalée par ses conflits intérieurs, ses plus grands ennemis. "
touchée, émue...
merci de l'avoir aimée, la belle Ève, telle quelle, avec sa fougue, ses convictions, ses élans de cafards et de bonnes heures desquels elle fabriquait une histoire pour les maintenant. doux merci à toi, d'avoir accueilli son urgence avec respect. Ève et ses sourires, ses notes, ses mots francs, directs, vrais, capables de dire je t'aime à travers l'armure.
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