C'est pourquoi on doit réfléchir pour
arriver à repousser constamment les limites de ce que peuvent
reproduire deux haut-parleurs (stéréophonie). La meilleure
stratégie à employer pour présenter un mix qui sonne vivant et
équilibré sur tous les systèmes, c'est de faire un travail
méticuleux dans les fréquences médianes - les mids. C'est dans
les mids que l'essentiel du message se trouve et c'est votre garantie
que votre mix sonnera convenablement partout. Rappelez-vous bien
qu'un petit radio de cuisine reproduit difficilement les fréquences
sous les 200 Hz et en haut de 8000 Hz.
Gamme de fréquences et leurs
fonctions
Un petit rappel avant d'aller dans le
vif du sujet. Pour faire ça simple, je couperais ça en 5 gammes de
fréquences principales selon leur qualité esthétique et leur rôle
à jouer dans un mix. Vous devez comprendre qu'il y a un côté
subjectif à ce découpage, il n'y a pas de frontière définie
physiquement ou biologiquement par nos oreilles et notre cerveau.
Les extrêmes basses (20 Hz à 100 Hz)
– Énergie brute, beaucoup de poids, lourdeur. Continent
essentiellement des fréquences fondamentales des instruments
rythmiques qui composent la fondation d'un mix. Si mal géré, votre
mix sera mou et l'ensemble du contenu harmonique sera masqué par ces fréquences. C'est le registre le
plus difficile à dompter parce qu'énorme interaction avec
l'acoustique de votre salle.
Les Low Mids (100 à 700) – La bonne
vielle chaleur que tout le monde aime. Contient une certaine
quantité de fréquences fondamentales, mais aussi les premières et
deuxièmes harmoniques pour certains instruments. Pensez au son de
votre voix quand vous mettez une main devant votre bouche, genre.
Les Mids du milieu (700 à 3000) –
Contient essentiellement des harmoniques supérieures. L'essentiel
de l'information vocale ou musicale peut être transporté dans ce
registre. C'est là que notre oreille est la plus sensible.
Fréquences nasillardes (téléphone ou petit radio)
Les Hi-Mids (3000 à 6000) – Contient
seulement des harmoniques supérieures. Clarté, peut devenir
agressant si on en abuse, et c'est malheureusement souvent le cas.
On entend souvent une congestion dans ce registre.
Les Hautes (6000 à 20 000) –
Cristallin, de l'air. Sentiment d'ouverture. On pourrait s'en
passer et le message serait tout aussi pertinent, mais ça donne
l'impression de vernis autour de l’œuvre.
Les « tones »
Qu'est-ce qu'un « tone »?
Ça pourrait être traduit par « timbre sonore ». Mais
dans le langage du métier, c'est ce qu'on décrirait plutôt comme un
« timbre sonore riche, coloré et excitant ». Ces sons riches vont transcender même les plus moches des haut-parleurs! En fait,
c'est pas mal exactement ce qu'on recherche lors d'une prise de son
en studio. Plus on va relever les « tones » sur chaque
instrument, plus la production va être riche à l'écoute, car vous aurez créé une mosaïque complexe.
Je vous en parle parce que ça se passe dans les « mids » là où se trouvent les harmoniques supérieures qui donnent l'identité d'un son.
Maintenant, qu'est-ce qu'un beau tone,
qu'est-ce qu'un mauvais tone? C'est une considération subjective et ça relève de la prise de décision artistique (ou du
hasard, ça c'est l'fun). C'est avec l'expérience et en habituant
vos oreilles à l'esthétique sonore, en étant attentif à votre environnement sonore, que vous allez devenir un bon
pêcheur de « tones ». Bon, évidemment, dans le meilleur des mondes, vous avez des musiciens de feu avec des instruments plein de caractère, avec des
micros remplis de personnalité, dans une pièce qui résonne comme du
monde. Mais si on n'a pas capté cette magie au studio pour une
raison X, on peut toujours tenter de remédier à cette lacune au mixage. Vos
trois outils de prédilections sont les égalisateurs créatifs, la
distorsion harmonique et la compression.
Pour ce qui est des EQ créatifs, c'est
justement la sortie du nouvel EQ de Soundtoys, SieQ, la semaine passé
qui m'a donné l'idée de vous parler de ce sujet parce que ça m'a
fait redécouvrir une fois de plus toute la pertinence des mids dans
un mix. Cet EQ est un outil merveilleux qui combine égalisation
créative et distorsion harmonique (drive). Quand je parle d'EQ
créatif, c'est essentiellement un outil sur lequel les concepteurs
ont déterminé à l'avance quel serait le facteur Q en relation avec
la quantité de « boost » ou de « cut ». Les
fréquences sur lesquelles on peut agir sont déterminées lors de la
conception de l'outil pour leurs qualités sonores esthétiques
particulières. À l'opposé de ce concept, on retrouve des EQ
chirurgicaux comme Fabfilter Q2 (au-dessus de la pile dans ma boîte
à outils), qui permet de faire toutes les courbes possibles, d'une
précision sans pareille et sans générer de distorsion harmonique. Il n'y en a pas un de mieux que l'autre, c'est qu'une question du type d'application que vous voulez en faire.
Autre plan, la
distorsion harmonique permet d'enrichir facilement un signal pauvre.
En saturant, on crée de nouvelles harmoniques reliées
mathématiquement aux fréquences qui composent le son traité.
C'est pas mal exactement ce qu'on aimait dans le domaine analogique.
Chaque module/outil/dispositif créent une certaine dose de
distorsion harmonique, que ce soit la bande analogique, les pré-amps,
les circuits à tube, les circuits avec transformateurs. Quand on
superpose plusieurs instances de ces jouets, on bonifie le son
d'origine et bonjour le « tone ». L'affaire, c'est qu'il
est tout à fait possible de recréer cela dans le domaine numérique
à notre époque, il s'agit de savoir comme s'y prendre et d'avoir de
bons outils. Ceux qui disent le contraire se font de plus en plus
rare et c'est à vous de les faire mentir avec moins de débats et
plus de résultats.
Troisième outil pour le "tone", la compression. Parmi
toutes les applications qu'on peut faire de la compression, sachez
qu'elle peut aussi vous aider mettre d'avantage le focus sur les
« mids » dans un son. C'est surtout avec une judicieuse
utilisation de l'attaque et du release qu'on peut mettre l'accent sur
ce qui nous intéresse. Souvent, on irait avec un attaque semi rapide
et release relativement rapide. La tension créée par l'interaction
entre le son et le compresseur modifiera la densité du son un peu
comme on joue avec la dureté d'une boule de pâte à modeler. De plus, la plupart des compresseurs vont enrichir le contenu harmonique d'un son si on le pousse un tant soit peu.
Avertissement
Attention de
traiter un son dans son contexte le plus clair de votre temps. C'est-à-dire, en écoutant les autres instruments de la chanson à mixer.
Les 45 minutes que vous allez prendre à faire l'égalisation et la
compression d'un snare en solo n'a aucun sens, car une fois mis en
contexte ça à toutes les chances au monde de ne pas fonctionner à
cause de l'interaction harmonique et dynamique avec les autres
instruments. Oui, vous pouvez bonifier un instrument en l'écoutant
en solo, mais finalisez le traitement en contexte dans un mix déjà
bien balancé. Gardez en tête que nous tentons de créer un
ensemble sonore avec de la cohésion où tout est aligné vers le
seul but convergent d'exciter les neurones et chaque cellule du
petit corps du public à l'autre bout !
Pour un système d'écoute idéal
Au cours des dernières années, j'ai
mixé principalement sur mes Focal Twin 6Be. Un genre de classique
récent pour ceux qui ne connaissent pas, on les voit souvent passer sur des photos de studio sur le web. Très chirurgicaux,
détaillés et transparent. Tout le spectre harmonique est bien
représenté, on entend à merveille les effets temporels comme les
réverbérations ou les délais. Le seul problème que j'ai fini par
percevoir avec ma stratégie de mixage presque exclusivement sur les
Focal c'est qu'ayant accès à tellement d'information, j'ai pu avoir
tendance à sur-traiter les pistes et porter trop d'attention sur les
extrêmes basses et les hautes.
Pour garder le focus sur les mids, j'ai
mixé pas mal sur mon Avantone mono qui amène un contrainte.
Cependant, il est très difficile de faire des choix d'égalisation
et de compression avec ces petits haut-parleurs, car pas assez
sensible dynamiquement. Aussi parce qu'on a accès qu'à une
partie du low-mid et une partie du Hi-mid. Résultat on a tendance à
sur jouer et ça passe mal ailleurs. La stratégie du petit
haut-parleur mono fonctionne surtout pour équilibrer les volumes
entre les instruments au début du processus de mixage.
Récemment, je crois bien avoir trouvé
une combinaison de « monitoring » qui couvre
convenablement tous les registres de fréquences avec l'ajout de mes
vieux Dynaco A10 (un des meilleurs 150$ payé de ma vie). C'est
grosso-modo le même concept que les NS10, une star des studios dans
les dernières décennies. Les NS10 de Yamaha étaient
essentiellement des haut-parleurs HI-FI destinés à l'écoute. Les
mixeurs ont utilisés ces haut-parleurs pour travailler car ils
donnaient accès de façon plate mais précise au registre des
low-mids, mids et hi-mids. Sans sur-représenter les extrêmes
basses et les hautes. C'est un peu la même chose avec mes fidèles
Dynaco A10 (à droite).
Ce sont des haut-parleurs HiFi des années 70 au
son de velours qui représentent à merveille tout le registre des
médians. Ils facilitent la balance de volume des instruments et
permettent de faire un peu de travail d'égalisation et de
compression. Une fois que le mix se tient dans ces haut-parleurs, je
peux passer aux Focals pour un travail de précision.
En bref, je vous suggère au minimum
d'avoir une paire de haut-parleur qui vous donne un aperçu fidèle
et transparent des mids avant tout. Ce sera déjà ça. Au
mastering il sera beaucoup plus facile d'ajuster les balances
d'extrêmes basses et les hautes fréquences que de commencer à
essayer de corriger du masquage dans les mids ou de compenser pour de
mauvaises balances.
C'est fini là?
Je vous entends rouspéter, mais si je
fais de l'électro et du hip-hop m'semble que c'est souvent dans les
basses que ça se passe, non? Oui, le gros « kick » est
de mise j'en convient, mais c'est pas avec un gros kick seulement
qu'on fait une bonne pièce mon ami. D'habitude, les voix (mids) vont
leader la patente, et le défi est beaucoup plus grand quand il
s'agit de placer des voix dans l'espace que de faire sonner un kick
électro qui provient d'un échantillonnage. Et souvenez-vous qu'une
bonne partie du temps les gens vont écouter votre musique dans un
système de son qui représente seulement une partie des mids et très
peu de basses.
Bref, expérimentez, amusez-vous et
arrêter de complexer parce que vos moniteurs ne coûtent pas le prix
d'une demi-automobile.
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1 commentaire:
Autrement dit, apprécier mieux ses "shit box" pour ce qu'elles offrent, parce qu'elle peuvent témoigner un peu mieux de la réalité du rendu à l'autre bout des membranes populaires. Faut juste bien les connaître! ;)
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